Mali : BBG feat. Galy Bandit – « Chicago »
On commence avec les étoiles montantes du rap malien. Le groupe BBG, acronyme de Bandz Boys Gang, fait parler de lui dans tout Bamako depuis un peu plus d’un an. En juillet dernier, le trio a même rempli et enflammé le Palais de la Culture. Leur dernier morceau « Chicago », extrait de la mixtape Bandz 2, nous a tapé particulièrement dans l’oreille. Le titre fait référence à la fois au lieu de naissance de la drill, un genre dans lequel le groupe excelle comme le prouvent les deux premiers couplets de la chanson, mais c’est aussi le nom d’une discothèque de la capitale malienne. Pour le troisième couplet, les BBG ont invité Galy Bandit qui fait lui aussi partie des rappeurs les plus en vue du moment. Son concert en juillet sur la place du Cinquantenaire, dans le Quartier du Fleuve, a également été l’un des événements de la saison estivale à Bamako. On recommande l’écoute de « Santana Gang », son dernier single en date.
Égypte : FL EX – « Logan »
Le rappeur FL EX, âgé de 21 ans, est tout simplement l’une des révélations de l’année en Égypte. Il s’est fait connaître grâce à des featurings avec des artistes du très bon label Maadi Town Mafia dont il fait partie : tout d’abord « Shayateen » avec Husayn puis « Khamsa » avec Wingii. L’Égypte a emmené la trap à un niveau stratosphérique, la rendant plus profonde et plus planante que n’importe où ailleurs, ceci grâce à des producteurs comme Molotof et des rappeurs tels que Marwan Pablo et Wegz. Le morceau « Logan », issu de l’excellent EP Mesama3een de FL EX, montre que l’histoire se répète avec la drill. Le beatmaker Rally a composé une piste instrumentale à la fois sombre, lourde et angoissante, avec des basses énormes et une flûte traditionnelle qui vient rendre le tout encore plus épique. Même ambiance effrayante dans le clip en noir et blanc. FL EX y parcourt le Caire avec sa bande pendant des heures jusqu’à la découverte glaçante d’un corps allongé sur un trottoir.
Rwanda : Ariel Wayz feat. Sagamba, Soldier Kid, Bruce The 1st & Kivumbi King – « Demo »
La jeune artiste rwandaise Ariel Wayz sait tout faire, et elle l’a démontré cette année. Elle chante merveilleusement bien sur des sons qui mêlent afrobeats, afropop et r’n’b comme « Good Luck ». Dans le même style, le titre « Bad » n’a absolument rien à envier aux productions nigérianes et constitue la bande-son parfaite pour rouler la nuit sur les collines illuminées de Kigali. Mais c’est aussi une excellente rappeuse, la preuve avec le morceau « Demo », sur lequel elle a invité quatre rappeurs de la nouvelle génération. Parmi eux, il y a Kivumbi King qui fait le dernier couplet. On le reconnaît aisément grâce à son élégante coiffure traditionnelle, l’asunzu. C’est le prince de Kigali. Il peut rivaliser avec WizKid grâce à sa voix suave et son sens de la mélodie ( « Nakumena Amaso »), et rapper sur de la trap ( « Ntacyo Nzaba »). Bruce The 1st, quant à lui, est l’un des premiers rappeurs à s’être illustré dans le registre de la drill en 2020 au Rwanda avec « Tugende » (en featuring avec Ish Kevin). Ce morceau collaboratif nous permet aussi de découvrir deux nouveaux talents rwandais : Sagamba et Soldier Kid.
Côte d’Ivoire : DRE-A – « Skinny » ft. Tripa Gninnin
À Abidjan, Didi B est toujours assis sur le trône du rap ivoire et ce n’est pas prêt de changer vu le succès de sa dernière sortie (« En haut »). Par conséquent, on a décidé de mettre en valeur une jeune rappeuse que l’on a remarquée depuis un peu plus d’un an grâce à une belle série de singles ( « Comportement même », « Focus »,
« On peut faire ça » en collaboration avec Apocahuero); et qui fait la fierté de la ville de Bouaké. Celle qui partage encore sa vie entre ses études et la musique est en train de se faire une place dans le cœur des Ivoiriens grâce à la fraîcheur de son ton et son habileté à manier les mots avec humour. En attendant la sortie prochaine de son tout premier projet, Dre-A a publié en juillet « Skinny » avec le rappeur le plus cool de Babi, à savoir Tripa Gninnin. L’année aura été belle pour le jeune artiste qui a capitalisé sur la sortie de son projet Bomboclaat à la toute fin de 2021 pour encore gravir des échelons. À la direction artistique du clip, on retrouve comme d’habitude le talentueux Young Nouchi qui a plongé Dre-A et Tripa dans un univers rose très pop qui colle bien au ton léger du morceau.
Togo : Sethlo feat. Conii Gangster, Lomerica Gang & Mic Flammez « Woèkpô »
Lomé a dansé ses derniers mois au son de l’amapiano particulièrement bien représenté au niveau local grâce aux artistes Chief One et Talakaka. La drill, elle aussi, est particulièrement forte et populaire au pays grâce à une toute nouvelle génération d’artistes. Les sonorités particulières de la langue mina se mêlent parfaitement à la rythmique de cette nouvelle musique. À peine remis de la folie de « Molédjafor » du groupe Lomerica Gang, on se prend à nouveau une claque avec « Woèkpô » de Sethlo, qui lui est loin d’être un nouveau venu après presque dix ans de carrière. Ce qui fait la spécificité de la drill ghanéenne et togolaise, c’est la façon dont elle est chantée et les refrains exécutés par alternance entre un soliste et un chœur. La mélodie entonnée par Sethlo ici sur le refrain est tout bonnement irrésistible. Pour « Woèkpô », il a invité les Lomerica Gang et Conii Gangsterr, qui fait lui aussi partie de cette nouvelle scène drill. La chanson se clôt avec un couplet de Mic Flammez, un rappeur capé comme Sethlo.
Sénégal : Bilou XIV feat. Zo flame – « Fatal ma fofou »
L’influence du mbalax, les sonorités et la cadence du wolof ainsi que l’utilisation depuis longtemps d’instruments traditionnels dans les prods font du hip hop sénégalais un hip hop à part. Ces dernières années, le rappeur Samba Peuzzi a poussé loin le degré d’expérimentation à partir de ces particularités ( « Lou Yaka Yawa », « Tama » ou
« Ndongo »). Le rappeur Bilou XIV est allé encore plus loin avec le novateur « Fatal ma fofou », le tube de l’été à Dakar. L’instrumentale qu’il a produit lui-même est constituée uniquement de tambours et d’éléments percussifs. Un procédé qu’il avait déjà utilisé pour son premier single « Touch du Bois ». La seule mélodie perceptible provient d’un tama, un tambour d’aisselle à tension variable que l’on entend très souvent dans le rap galsen. Zo Flame, qui a été convié pour cette chanson, s’est fait connaître il y a un an grâce à « SNK #3 ». On ne saurait que trop vous conseiller d’écouter son « Wreew » sorti en juillet comme « Fatal ma fofou ».
Tunisie : Mouka – « Karaka » ft. Ka3bi
Au milieu des années 2010, l’afrotrap de MHD avait créé des émules en Espagne et toute une scène s’était formée avec des artistes comme Afrojuice 195. Depuis deux ans, c’est le style très reconnaissable des instrumentales du rappeur français Jul qui est massivement repris en Espagne, et notamment à Barcelone. Morad est le rappeur espagnol qui s’est le plus approprié ce son en y apportant bien sûr sa touche personnelle ( « Pelele » , « ¿Cómo Están? »). Il collabore même régulièrement avec Jul. C’est le rappeur le plus populaire en Espagne depuis deux ans et il représente fièrement la diaspora marocaine. Par son biais, le son de Jul est en train de se propager à son tour au Maghreb. Dans le morceau « Karaka » du jeune rappeur tunisien Mouka, on sent fortement l’influence de Jul et Morad. D’ailleurs, le beatmaker qui a produit le morceau, Martin Ruts, est barcelonais comme Morad, et il a signé le tube espagnol de ce début d’année « Vida Loca » d’Aiman Jr et Omar Montes. En mai dernier, Mouka a sorti le magnifique « Mala Ena », son plus grand succès à ce jour. La chanson « Karaka » est une collaboration avec le rappeur Ka3bi avec qui il s’était déjà associé il y a un an pour « Vroom ».
Maroc & Italie : Baby Gang – « Come te »
On évoquait à l’instant le rappeur espagnol Morad et la façon dont il est le porte-voix de la jeunesse issue de l’immigration en provenance de l’Afrique du Nord. En Italie, son équivalent est le rappeur Baby Gang, lui aussi d’origine marocaine. D’ailleurs les deux rappeurs se sont retrouvés en 2021 sur le morceau « Casablanca ». Baby Gang revendique souvent son identité marocaine dans ses textes (« Marocchino ») ou en collaborant avec des rappeurs marocains comme ElGrandeToto (« Come Va »). Dans le clip de « Come to me », il rend hommage à nouveau à sa ville de cœur, Casablanca.
Nigéria : Erigga – « Vawulence »
Erigga est une légende du rap au Nigéria. Depuis qu’il a commencé sa carrière en 2009, il est devenu le roi du pidgin rap, un rap en pidgin english, sans concession, fait pour les Nigérians, pas pour les Occidentaux. On aurait tendance à croire que seules les villes de Lagos et Port-Harcourt comptent dans le paysage musical, mais Erigga a mis la ville de Warri, dans le Delta State, sur la carte du hip hop nigérian, et c’est souvent le décor de ses textes
( « Welcome to War »). « Vawulence », qui reprend la façon dont les Nigérians prononcent le mot anglais « violence », est le premier single de son nouvau projet The Lost Boy Album, paru début septembre. Dans le clip, Erigga apparaît sous les traits d’un chef de gang faisant partie d’un groupe de détenus qui doivent être transférés en bus dans une autre prison mais sur le trajet ils sont libérés par un commando. La principale séquence de la vidéo a été tournée devant la tour de la Book Shop House, l’un des plus anciens gratte-ciels de Lagos, sur Lagos Island.
Afrique du Sud : Fakaloice – « Ooh Aah » Ft Riky Rick & Cassper Nyovest
On termine avec « Ooh Ah » de Fakaloice, un titre devenu un classique instantané du hip-hop sud-africain dès sa sortie. Fakaloice est un jeune rappeur originaire de Verulam, une ville au nord de Durban, dans le KwaZulu-Natal, il représente donc la côte nord au sein du label Ambitiouz Entertainment. Il mélange l’anglais et l’isiZulu et définit son style comme de la « zunglish trap ». Il est fortement influencé par le rappeur canadien Tory Lanez et on l’entend bien sur « Ooh Ah », qu’il a produit lui-même, dans la manière dont il change de registre et d’octave entre les phases de rap et de chant. Dans la première séquence de clip qui correspond à son couplet, on voit Fakaloice être intronisé chef d’un village. On reconnaît les maisons traditionnelles, les tenues, les boucliers et les lances des Zoulous. Une séquence qui n’est pas sans rappeler le clip « Y3 Y3 Dom » du driller ghanéen Jay Bahd paru en 2021 et dans lequel on voyait des guerriers ashantis se préparer pour la guerre. Le deuxième couplet du morceau est celui de Riky Rick, légende du rap sud-africain, et malheureusement décédé en février dernier. L’artiste a mis fin à ses jours après une très longue dépression. Ce couplet a été enregistré en 2020. Dans le clip, cette séquence est annoncée par un message inscrit dans le dos d’un t-shirt : « We Never Die, We Multiply ». Il s’agit de paroles de Riky Rick issues du remix du morceau « Nkalakatha » du rappeur Costa Titch, sorti en 2019. Ce sont des inconnus de la rue et ses amis qui rappent son couplet ici et lui rendent un très bel hommage collectif. Le troisième couplet est rappé par la légende des légendes, Cassper Nyovest. Les fans de rap sud-africain attendaient depuis des années de pouvoir retrouver Riky Rick et Cassper Nyovest sur un même morceau. Cassper Nyovest prend son temps pour rentrer sur le beat avant de complètement le dévorer. Il est venu mettre les points sur les i et les barres sur les t. Il tire à boulets rouges sur l’industrie musicale et sur les autres rappeurs. Il rappelle qu’il a survécu à toutes les modes (house music, gqom) et qu’il a inspiré tout le monde dont Focalistic, l’un des rappeurs les plus en vue depuis quelques années. Dans la vidéo, il apparaît comme le leader suprême du hip-hop et en chef des armées. Après un tel couplet, qui pourrait le contester ?
Une sélection à retrouver dans notre playlist Pan African Rap.